Cet enfant TDAH qui n’en était pas un
Une mère de famille de la région en a gros sur le cœur après que l’école publique fréquentée par son fils ait fait vivre un cauchemar à celle-ci et son fils après que celui-ci ait été identifié comme ayant un Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
Or, il y a deux semaines, une contre-expertise est venue confirmer ce que cette mère, qui a par le passé évolué dans le domaine de la santé, soupçonnait depuis le début : son enfant n’avait aucun TDAH.
Afin de protéger l’identité de l’enfant, son nom, celui de l’école et celui de la mère ne seront pas dévoilés à la demande de cette dernière. Le but d’une telle sortie médiatique n’est pas de s’attaquer à qui que ce soit au sein de la Commission scolaire de la Beauce-Etchemin (CSBE) affirme-t-elle, mais de sensibiliser les parents face à une telle situation et d’aller jusqu’au bout pour avoir l’heure juste en cas de doute. « Si je n’avais pas eu les moyens et une formation dans le milieu de la santé, mon fils serait aujourd’hui médicamenté sans aucune raison. Il n’aurait pas l’encadrement approprié à son cas, car en médicamentant quelqu’un pour un problème qui n’est pas le sien, on empire la situation », soutient-elle.
L’histoire commence en 2010 alors que son fils éprouve des problèmes de comportement à l’école à la suite d’une non-cohésion parentale entre elle et son ex-conjoint. « On me disait régulièrement de donner du Ritalin à mon enfant […]. Mon ex-conjoint était pour, mais moi j’étais contre cela, car je voulais une investigation plus poussée. L’école s’entêtait toutefois à vouloir étiqueter mon fils TDAH », indique la mère de famille. Pendant deux ans, malgré l’insistance de l’école, celle-ci a choisi de ne pas médicamenter son fils. « Quand on insistait, je répondais que personne d’autre qu’un pédopsychiatre me forcerait à donner des médicaments à mon enfant […]. La médication, ça doit rester un choix de parents. Le rôle de l’école n’est pas de nous forcer à médicamenter notre enfant, mais d’apporter un support au niveau de l’encadrement pédagogique », estime-t-elle.
Toutefois, les choses se sont gâtées l’an dernier alors que l’enseignante du garçon aurait été catégorique en affirmant que celui-ci était un cas de TDAH. « À partir de là, ils nous ont fait des pressions comme quoi si nous n’acceptions pas de médicamenter mon enfant, il se retrouverait dans une classe spéciale […] alors nous avons demandé le diagnostic d’un pédopsychiatre, chose que nous demandions depuis le début », explique la mère. Puis, une rencontre avec un pédiatre a été effectuée à la suite de l’intervention de l’enseignante. Selon la mère, le diagnostic s’est fait en cinq minutes sur le coin d’un bureau. « On a rempli une petite grille et en cinq minutes, ils ont déterminé qu’il était TDAH », déplore-t-elle.
Ayant toujours le doute à l’esprit malgré l’avis du professionnel, la mère dit avoir essayé les pilules quelque temps, mais son enfant devenait agressif, s’isolait et dormait peu. « On parle d’un psychostimulant qui n’est pas sans impact sur le cerveau », explique la dame qui a évolué dans le milieu de la santé. « Il arrivait toujours en crise de l’école. Il se faisait demander devant tout le monde s’il avait pris ses pilules. Il faisait rire de lui. Puis, en lien avec les problèmes du jeune, il y a eu de l’intimidation et mon fils s’est fait frapper par une dizaine d’enfants dans la cour d’école. Quand il s’est plaint, personne ne l’a cru », affirme-t-elle.
Par ailleurs, celle-ci déplore qu’il n’y ait pas eu davantage de services offerts à son garçon en lien avec le diagnostic, si ce n’est que des feuilles de route et des codes de couleurs. L’accumulation de tous les facteurs évoqués aura finalement poussé cette dernière au choix de cesser la médication. « La médication m’avait été imposée […] la peur d’avoir l’étiquette de parent non collaborant et de lui avoir donné des pilules pendant un mois au total allait à l’encontre de mes valeurs », mentionne cette dernière.
« Quand ils se sont rendu compte que je ne donnais pas les médicaments à mon enfant parce que j’avais une vision différente, ils ont choisi de faire des démarches pour l’envoyer dans une école adaptée sans mon consentement », soutient-elle. « Ils n’ont pris en considération que l’opinion de mon ex-conjoint qui était pour la prise de médication. Ils ont en fait pris clairement position pour un des deux parents alors qu’ils ne le devraient pas. Ils ont fait un comité d’expertise sans mon consentement, sans ma présence. On ne m’a jamais demandé pourquoi je ne voulais pas médicamenter mon fils. On me regardait plutôt comme si j’étais une mère terrible », souligne-t-elle.
Un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) pour non-collaboration et refus de médicamenter l’enfant a alors été fait contre la mère. Puis, selon le rapport, l’intervenant a finalement donné raison à cette dernière dans sa démarche tout en l’incitant à une meilleure cohésion parentale avec son ex-conjoint pour le mieux de l’enfant. La principale intéressée croit que cette plainte aurait été faite de mauvaise foi alors qu’elle comptait opter pour le secteur privé et ne pas baisser les bras. « Étrangement, le jour du signalement à la DPJ, j’ai posé la question à savoir si le système public était dépassé par le cas de mon enfant à problèmes et que le privé ne pourrait être la solution », maintient-elle.
Par la suite, exaspérée par l’attitude de la direction de l’école, celle-ci a tenté de régler le problème en s’adressant à la CSBE. Cependant, la personne qu’on lui a référé l’aurait littéralement envoyée promener tout en la mettant au défi d’amener ses avocats. Du côté de la CSBE, on préfère ne pas commenter la situation indiquant toutefois qu’il n’est pas dans les habitudes de mettre les gens au défi de la sorte.
La mère de famille a donc choisi de faire une plainte auprès du Protecteur de l’élève. « J’ai fait l’erreur de faire ma plainte verbalement et elle n’a eu aucun impact. Je conseille aux parents de toujours formuler les plaintes par écrit. Mon dossier n’a pas été traité à cause de cela. J’ai même dû prendre un avocat pour qu’il parle à cette personne référée par le comité des parents », affirme-t-elle.
Alors qu’elle indique que son fils a été privé de service scolaire pendant un mois et qu’elle a dû payer une orthopédagogue de sa poche à la suite d’une décision du comité d’expertise, la mère de famille a choisi d’envoyer son enfant dans le secteur privé à la rentrée 2015.
Au total, le coût des démarches dans toute cette aventure se situe dans les cinq chiffres en frais divers pour l’obtention d’un deuxième avis de professionnel quant au TDAH de l’enfant, ainsi que pour finalement avoir la tranquillité d’esprit. Cela aura pris deux ans avant qu’aboutisse la demande de la mère compte tenu de la longueur de la liste d’attente pour obtenir les services d’un pédopsychiatre dans la région.
« Il y a deux semaines, le diagnostic de TDAH a été défait. Il s’agissait plutôt d’un trouble d’anxiété amené par le milieu. On parle d’une fragilité attentionnelle. Il n’est plus question de médication », exprime la dame avec soulagement. « Pendant tout ce temps, tout le monde jouait au médecin et émettait des hypothèses alors qu’ils n’en savaient rien. À l’école, ils ont empiré la situation de mon fils. Ils n’ont pas été des agents facilitants », exprime-t-elle.
« Maintenant, mon enfant va au privé et il fonctionne comme un enfant normal. Il n’est pas dysfonctionnel, il est bien traité et a de très bonnes notes. Il est très bien encadré », affirme-t-elle.
Bien que celle-ci dise être répugnée par le système d’éducation public à la suite de cette expérience, elle ne compte pas pour autant poursuivre qui que ce soit pour tout le mal causé. « J’ai fait une croix sur la Commission scolaire et tout ce qui vient autour. Maintenant, nous respirons mieux au privé. Dans des cas comme celui-là, l’école privée peut sauver les enfants de la marginalité », croit-elle fermement.
Une course aux diagnostics
Selon cette mère qui s’est battue pour donner un meilleur environnement à son fils, il existe au Québec une certaine pression pour faire médicamenter les enfants. D’ailleurs, selon un document obtenu par le journal La Presse au début 2015, le gouvernement du Québec estimait que les commissions scolaires se livrent à une « course » pour obtenir des diagnostics d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) et ainsi toucher plus de subventions (voir texte : « Course » aux diagnostics dans les commissions scolaires »).
Les chiffres fournis par le ministère de l’Éducation vont en ce sens puisqu’en 2013-2014, le nombre d’élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage dans le réseau public s’élevait à 182 162, alors qu’en 2004-2005, ce nombre se situait à 147 981. Il s’agit d’une augmentation approximative de 23 % en dix ans.
D’un autre point de vue, le Collège des médecins se disait récemment préoccupé par les nombreux diagnostics de TDAH émis au cours des dernières années et reconnaissait que ses membres étaient parfois mal outillés selon un autre article de La Presse publié en février 2015. (Voir article : Le Collège des médecins préoccupé par les nombreux diagnostics de TDAH).